Chambre d’écho I'huile sur toile 195 x 280 cm 2013
Chambre d’écho I'huile sur toile 195 x 280 cm 2013
Météors
Voies anonymes #18 fusain sur papier 150 x 220 cm 2015
Au Bout du Monde
"Mais le pays natal est moins une étendue qu'une matière ; c'est un granit ou une terre, un vent ou une sécheresse, une eau ou une lumière.
C'est en lui que nous matérialisons nos rêveries, c'est par lui que notre rêve prend sa juste substance ; c'est à lui que nous demandons notre couleur fondamentale".
Gaston Bachelard, L'eau et les rêves, éd. Corti 1942.
De sa naissance jusqu'à la fin de ses études à l'école des Beaux-Arts, Christine Jean a vécu au Havre avec le sentiment de grandir en même temps qu'une ville moderne,
posée au seuil du monde. Sa sensibilité a été formée par cette ville singulière : une ville portuaire, ouverte sur l'océan, sur l'ailleurs, une ville détruite en septembre 1944
par les bombardements anglais, reconstruite sur un plan orthogonal par l'Atelier d'Auguste Perret, une ville aux phénomènes atmosphériques prodigieux.
Ses premières émotions esthétiques sont liées aux éléments naturels, la mer et ses rythmes, le ciel, les nuées et les intempéries, le minéral à travers les galets qui parsèment le rivage,
les falaises de craie, les rides du sable, mais également à ce qui les scande, les alternances du jour et de la nuit, les différentes heures du jour, les variations saisonnières.
L'eau ainsi est le regard de la terre, son appareil à regarder le temps a écrit Paul Claudel.
Enfant, elle a fait l'expérience du regard, comme celle de l'éblouissante vision blanche du ciel et de la mer confondus à travers la meurtrière d'un blockhaus.
Plus tard, c'est en interrogeant cette relation ciel-terre qu'elle s'est investie dans la question du paysage, qu'elle a fait le parallèle entre contemplation de
la nature et contemplation de la peinture, entre les processus de la nature et ceux de la peinture. Ses recherches l'ont incitée à utiliser des matériaux
hétérogènes (corps peint/photographie, cuivre/encre/acide, mélange de matières), mais aussi à accueillir le hasard ouvrant une forme en devenir.
Les mouvements qui animent la nature ont influencé ses méthodes de travail : la fluidité, les forces du vent et de l'eau, se traduisent en actes dans la peinture,
en premier lieu par des gestes : jeter, étirer, superposer, effacer, disperser, diluer, répandre, capter l'imprévu et se l'approprier.
Peindre, c'est d'abord du temps qui devient de l'espace. Les variations de la lumière sur l'architecture de béton de sa ville natale ont aussi été un détonateur de sa pratique artistique :
rencontre de l'angle droit et du fluide, du solide et de l'instable, du permanent et du fugitif.
Les matières du paysage havrais portent également dans son souvenir le travail du temps et celui de l'humain : les nappes irisées flottant sur l'eau des bassins, les feux des torchères
de la zone industrielle, les goudrons sur la plage maculant les galets. Macula, la tache en peinture,c'est aussi la maille d'un filet a écrit Roland Barthes.
Avec le filet surviennent l'intervalle, l'interstice, l'acte de lier dans un seul état ce qui apparaît et ce qui disparaît.
Comme la nature le tableau est en devenir. Il se fait sans idée préconçue, sans schéma préalable, mais avec intuition et détermination. C'est le processus qui importe, oscillant entre intention et
hasard. Le résultat est une possibilité, une décision dans l'inachèvement, un parcours temporel lié à la matière, un événement.
Production autre et La Glacière présenteront un ensemble de travaux de Christine Jean s'étalant sur
une dizaine d'années, peintures, lavis d'encre, dessins ainsi qu'une installation de 1003 pièces de terres cuites
émaillées et une vidéo. L'encre, l'huile et le fusain sont les moyens mis en oeuvre pour réaliser des séries qui ont pour
questionnement la vision des mouvements et des formes de la nature.